Un beau jour d’été, une jeune femme Elfe avait rencontré un très charmant Elfe. Nous ne raconterons pas en détail ce qui se passa ce soir là. Mais vous devez seulement savoir que la jeune Elfe tomba sous le charme d’un terrifiant Démon qui s’était transformé. Nul ne connaît, et ne connaitra sûrement jamais, ses desseins en accomplissant cet acte ignoble.
Mais la future mère ignorait la véritable identité de son prince charmant qu’elle ne revit plus jamais. Elle se croyait enceinte d’un Elfe tout ce qu’il y aura de plus normal… mais elle se trompait.
Ses pensées vis-à-vis des origines saines de son enfant, qu’elle élevait avec peine car il lui rappelait son père, même si son physique ne tenait rien de ce dernier (elle mettait cela sur le compte de l’âge), restèrent les même jusque vers ses trois ans. En effet, à cette époque, elle vit apparaître petit à petit, de plus en plus fréquemment, de petites lueurs ardentes dans ses yeux. Elle finit par comprendre, lentement. Ce qu’elle avait mis au monde n’était pas un Elfe. C’était donc un monstre. Cela voulait dire que, trois ans plus tôt, on l’avait habilement dupé…
Ghost ne se souviens plus du visage de sa mère. Il se souvient de trois choses : sa tendresse, la nourriture qu’elle lui avait laissée après son abandon car elle avait pitié, et enfin… ses larmes. Ses perles cristallines qui roulaient silencieusement sur les joues de sa mère en empruntant divers chemins plus où moins sinueux et se déformant légèrement tout en gardant des formes assez sphériques. Il se rappelait parfaitement des milles reflets colorés de la lumière qu’elles produisaient. Mais de sa mère elle-même, il ne lui restait pas de véritables souvenirs, seulement des esquisses de traits…
Bref, à l’âge plus ou moins vénérable de trois ans environ, le petit Hybride fut abandonné à lui-même, ou presque, après que sa mère lui eut révélé ses véritables origines. Presque, car au dernier moment, lorsque sa mère allait l’abandonner dans la rivière, elle se rendit compte que ce qu’elle faisait, en plus d’être mal, était un système de meurtrier. Pris d’un ultime élan de pitié, elle lui donna un lot considérable de provisions et le laissa dans une petite cabane dans la forêt qu’entouraient des arbres fruitiers. Mais ses provisions ne durèrent pas éternellement. A quatre ans, il devait survivre.
Seul.
Mais comment, n’est-ce pas ? L’instinct de survie, ça vous parle ? Chaque créature vivante en a un, plus ou moins puissant. C’est ce qui le pousse à s’accrocher. À s’accrocher coûte que coûte à la vie, à se cramponner peu importe la douleur. J’imagine que vous avez deviné la force de l’instant de survie de l’Elfe-Démon. Grande. Pour survivre si longtemps auprès d’un peuple aussi hostile envers les étrangers que les Elfes, la douleur qu’il fallait qu’il encaisse avant de lâcher prise était grande. Il apprit à connaitre la forêt par cœur, mais la chasse ne fut jamais son terrain de prédilection, et il dut faire avec ses talents. Il apprit à se faire tout petit et silencieux, ne sachant pas que la magie Ténébreuse qui coulait dans ses veines l’avantageait particulièrement à se fondre dans les ombres, puis à soutirer à sa victime ses effets. Mais ne vous imaginez pas que la graine de sa pernicité (pas sur que sa existe, nom pour pernicieux) paternelle commençait déjà à s’ouvrir. Non, s’il commettait ce qui à vos yeux d’enfants gâtés parait un méfait, il ne prenait que le minimum syndical. Pour sa survie. Son enfance se résume à cela :
Sa survie.
Je ne vais pas vous racontez chaque instant de son enfance, non pas que vous vous ennuieriez, mais que cela vous ferait sans doute pleurer et j’aimerai que vous continuiez à me lire à l’avenir. Je piocherai donc, dans la longue liste de ses mésaventures palpitantes, seulement deux anecdotes :… non vous verrai bien de quoi il en ressort plus bas.
1
Survie rime avec soucis ?
L’évènement que je vais vous relatez se passe au tout début des vols à la tire de Ghost. Il a alors un peu moins de cinq ans, mais son cerveau a déjà appris à travailler bien vite, ainsi que ses bras.
Il explorait une option nouvelle de se nourrir ce jour là : se servir chez les autres. Et quel autre ! Laltris le fermier lui-même !
Comment ? Vous ne connaissez pas Laltris ? Bon, je vous en fais une courte présentation, mais vous devriez avoir honte ! Près de la fameuse cabane qui servait à Ghost de refuge autrefois, malgré qu’elle se délabre peu à peu, se trouvait une ferme. Car oui, les Elfes peuvent être fermiers. Et celui-ci était, on peut le dire, un véritable caricature : il était plutôt vieux, même pour un Elfe, avait un caractère de cochon et haïssait tout le monde où presque, je ne parle même pas des Hybrides. Il avait une voix crispante et buvait bien plus d’alcool que ses congénères, pourtant réputés pour être sobres. Et il élevait des sortes de poulets quadrupèdes avec un amour qu’on ne pourrait lui attribuer.
Bref. Le jeune Hybride approchait à pas de loup de la ferme de Laltris. Il ne savait pas qui vivait à l’intérieur, mais avait plusieurs fois aperçus les bêtes alléchantes. Il passa facilement la petite clôture de bois, qui fut renforcée dans les années suivantes par de multiples stratagèmes. Pour le moment, le plan de Ghost, qui ne s’était pas encore nommé de cette façon mais dont le véritable nom ne lui revenait pas, fonctionnait à merveille. Il croyait tenir la solution miracle qui lui permettrait d’échapper à la famine aussi longtemps qu’il le voudrait ! Alors qu’il attrapait une poule à quatre pattes, la bestiole poussa un cri aigu. Ghost se figea avec horreur lorsqu’il entendit un grommèlement en provenance de la bâtisse. Quelques instants plus tard, le fermier sortit de son antre, un coutelas en main. Le jeune semi-Elfe ne faisait pas le poids, il le savait, face à n’importe quel adulte. Et celui-ci ne semblait pas très conciliant. Reprenant du courage, il tenta de déguerpir rapidement.
Mais le vieux fermier était décidé à ne pas perdre un seul de ses poulets.
« Reviens ici ! Au voleur ! »Terrorisé, le chapardeur qui courait en direction du bois se retrouva soudainement à terre. Il avait heurté la clôture, et voyait peu à peu s’avancer l’Elfe dont la haine déformait le visage.
On ne vole pas Laltris ! Mais… besoin…Sans un mot, le fermier leva son coutelas au dessus du corps de l’enfant. Le même enfant, qui soudain mut d’une force nouvelle, se releva et s’élança dans la forêt en un éclair. Surpris par sa rapidité, le vieil aigri le poursuivi à travers les feuillages, les branches et les racines. Et si le petit Hybride s’en sorti vivant, se fut grâce à sa connaissance des bois : il se jeta soudainement au détour d’un chemin dans les broussailles et sema son poursuivant in extremis.
Il resta longuement tétanisé par la frayeur dans une position inconfortable avant de pousser sa tête hors du buisson avec prudence. Convaincu qu’on ne le suivait plus, il regarda sa trouvaille, qu’il avait égorgée avec un petit couteau de fer qu’il avait trouvé lors de ses expéditions dans les bois, et ressentit une grande fierté.
Personne ne l’empêcherait jamais de vivre.
2
Quand les Ténèbres s’’éveillent
Ghost a l’âge de huit ans environ lors de cet évènement. Ci-dessus, ce n’est pas vraiment par hasard si j’ai choisi comme théâtre la ferme du vieux Laltris. J’aurais pu vous montrer sa première incursion dans la ville Elfe, tout aussi palpitante. Mais en choisissant comme cela, je vous fais en quelque sorte un trip « Laltris le fermier », qui fut tout de même un personnage important dans l’enfance de Ghost.
Vous avez, j’imagine, comprit où se déroulera cette histoire.
Alors qu’il s’approchait doucement, bien qu’avec une certaine assurance, car il commençait à bien connaître le vieux fermier, de la ferme de Laltris, l’Hybride sentit une sorte de déclic étrange dans son être. Il n’y prêta aucunement attention et continua sa route. Quand il arriva à ladite ferme, il alla d’abord vérifier que Laltris ne s’y trouvait pas et ne l’aperçut pas dans la sombre masure. L’apprenti voleur s’approcha donc des poules et en attrapa quatre qu’il égorgea avant de les mettre dans un grand sac brun sur son épaule. Bien sur, il provoqua un grand tumulte, mais il ne s’en souciait pas, le gardien des bestioles n’étant pas présent. Du moins était-ce ce qu’il croyait. En un instant, le vieil Elfe sortit des fourrés avec deux autres hommes armés.
« C’est lui ! C’est le voleur qui sévit depuis quatre ans ! Tuez-le ! »
L’ordre ne fut pas répété une seconde fois, et tous s’élancèrent s’un seul concert sur le tueur de bestiole, qui lui-même ne se fit pas prier pour détaler tel un lapin, dans la même direction d’ailleurs qu’à sa première visite. Mais malgré tout les détours, les bonds qu’il exécuta pour s’en tirer, il fini acculé par les trois Elfes.
« Ahah ! Tu fais moins le malin maintenant, hein ? »« Vous ne comprenez pas… Je dois survivre ! »« Non, justement ! Un voleur de ta sorte ne mérite la vie ! »Et sur ces mots, Ghost crut sa vie terminée. Les trois hommes brandissaient leurs lances en en pointant le fer vers le cœur de leur victime. C’est dans ce genre de situation que l’instinct de survie atteint son meilleur potentiel. Le jeune mi Elfe mi Démon tenta de s’échapper par le côté, malgré les faibles chances de réussite. A sa grande surprise, les lances furent fichées là où il se trouvait un instant plus tôt. Ebahi, les hommes regardèrent autour d’eux :
Mais… il était là, qu’est ce que…Poursuivons-le ! Il ne doit pas être bien loin !Ghost lui-même ignorait ce qui s’était passé. En narrateur omniscient, je vais quand même vous le dire, surtout grâce à ma grande bonté. L’espace d’un instant, le voleur de poulets quadrupèdes sembla être resté au même endroit en étant ailleurs. Plus clairement, grâce à la magie des Ténèbres qu’il devait à son ascendance paternelle, alors qu’il se déplaçait, les ombres avaient dissimulé le « vrai » Ghost, tandis que le « faux » restait à l’ancienne place de Ghost, un faux façonné de façon éphémères par les mêmes ombres. Comment ça pas très clair ? Tant pis pour vous, vous n’aviez qu’à être là.
Et la traque commença. Nous allons sauter une grande partie de cette ennuyeuse partie de chasse à l’Hybride, car voir des Elfes tourner en rond peut s’avérer lassant.
Alors qu’il tentait d’échapper aux voix qu’il entendait, les voix de ses poursuivants. Il crut avoir réussi à les semer et se détendit alors, prenant une grande bouffée d’air. Il n’était pas passé loin, cette fois.
Soudain, l’enfant de 8 ans vit avec horreur un des Elfes passer non loin. Il voulait fuir. Il ne le fit pas. Ce qui se passa en lui fut très étrange. Il sentit qu’un autre prenait possession de tout son être, sauf qu’il se savait lui. Ce qu’il ressentit ressemblait davantage à un long frisson incompréhensible.
Laltris n’embêta plus de la sorte l’Hybride. La raison en était simple. Cette décision fut prise à la vue du corps inerte de leur compagnon gisant sur le sol, déjà bien vidé de son sang.
A des kilomètres de là, non, dans un autre monde, aux paysages infernaux, Ganaargt s’éveilla de sa sieste quotidienne en sursaut. Un mince sourire étira ses lèvres. Le côté maléfique de son descendant n’était donc pas inexistant…
Il se leva. Bientôt viendra le temps de trouver un moyen de regagner Mythra, et de retrouver son fils…
Un ricanement aigu emplit la pièce, et une lueur de détermination s’alluma dans les yeux du Démon.